27 janvier 2010

Convivialité


Personne ne doute que la gastronomie française est sûrement connue dans le monde entier, appréciée, renommée et copiée dans beaucoup de pays comme l’expression la plus développée de l’art de la cuisine. Pour quoi la gastronomie française a-t-elle atteint ce degré de perfectionnement ?

Naturellement, il nous faudrait manger pour satisfaire un besoin physique de survie, pourtant, la plupart du temps nous mangeons pour satisfaire notre subjectivité et un besoin affectif. Dans la tradition française de table, le manger fait partie de la vie sociale. Rarement ils mangent en solitude, surtout s'il existe la possibilité de partager la table, même avec un inconnu. 
Dans son œuvre A table ou les Plaisirs de la gourmandise, Léon Daudet écrivait : « La table, la bonne table, c’est la santé, la famille, l’amitié » . Pour les Français, les plaisirs de la table doivent être partagés. En famille ou entre amis, « en dépit de ses rivalités, disputes et heurts de caractère », la convivialité est l’ingrédient primordial d’un repas. La famille traditionnelle réserve le temps à table moins pour restaurer les énergies perdues avec les activités physiques de la journée, que pour restaurer les rapports émotionnels et sociaux par la conversation animée et plaisante. Comme disait Chatillon-Plessis, « Pour bien manger il faut être au moins deux, au plus douze. Seul à table, le dîneur souffre de ne pouvoir parler des satisfactions ressenties. En trop nombreuse compagnie, il risque d’être distrait des méditations que les mets doivent inspirer » (La vie à table à la fin du XIXe siècle).

Cette subjectivité de l'alimentation est à l'origine du développement de l'art culinaire. Dès la création de l'aliment à partir du produit de la terre jusqu'au développement de la cuisine et des manières de table, toutes les étapes sont empreintes de ce besoin de satisfaire l'esprit et les émotions.

Tout d’abord, le rapport particulier des gens avec l’aliment mérite une étude approfondie. Il est évident que les Français ont une relation distincte et caractéristique envers l’alimentation. Le visiteur étranger remarque immédiatement la longueur du séjour des convives à table. Les plats arrivant au rythme tranquille de la conversation animée, l’apéro, le plat principal, la salade, les fromages, le dessert, le café, sont des acteurs à tour de rôle sur la scène du déjeuner ou du diner. Les individus partagent le plaisir d’être ensemble, de voir, de sentir, de savourer, de toucher, dans un ensemble de sensations qui font de l’expérience un échange émotionnel, physique, vivant, réconfortant non seulement au niveau corporel mais aussi spirituel. On mange pour vivre, non seulement pour survivre ! La nourriture ne vous donne seulement la vie mais vous fait sentir vivant par les sensations éprouvées. Le partage de la nourriture est probablement le présent le plus apprécié que les Français se font entre eux dans la journée.

Cette attitude envers l’alimentation influence grandement la manière de traiter les produits de la terre. Le goût français a transformé la cuisine et la table en un art, voire une science, avec des codes, des manières propres, des « secrets » qui passent de génération en génération non seulement de bouche à oreille mais dans le comportement des individus.

La vue

Même sur la table quotidienne la plus simple, le plat le moins élaboré, le Français attend une présentation visuelle capable de « vous mettre l’eau à la bouche ». Cette présentation visuelle a engendré une histoire de techniques indispensables basées sur la forme, la couleur, la texture et la taille. Le pain est le produit alimentaire quotidien le plus commun, il doit avoir une croute assez croustillante, et assez dorée, avec un intérieur assez mou pour révéler une fraicheur acceptable. Le bout d’une baguette restant le lendemain ne relève pas de l’envie de le manger. Il faut aller chercher une autre à la boulangerie.

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